« Nous habitons des maisons trouées par des portes et fenêtres.

Nous sommes heureux d’avoir des « ouvertures » importantes qui déversent l’extérieur de la maison vers son intérieur.

Nous construisons des maisons trouées à notre image d’êtres troués, nous sommes des êtres troués, incomplets et inachevés.

Les pièces de notre maison sont toutes trouées par des portes et des fenêtres, ce qui la rend fragile et vulnérable parce que son œuvre de maçonnerie est incomplète et ne le sera jamais.

L’œuvre d’art est une maison familiale hétéroclite habitée par des êtres troués par leur chemin, perdus d’avance, de la reconnaissance de l’un de leurs organes jusque-là fantasmés et méconnus qui se nomment « l’identité »

L’œuvre cherche sa place, son contexte; elle se construit comme une famille recomposée, dans un foyer emmuré où ses habitants sont ces pièces occupées que l’on peut nommer des : individu / personnage / espace / temps/ texte/ dramaturgie…

Chacun des habitants de cette maison dans leurs gesticulations insatiables, dans leurs quêtes personnelles de complétude, dérange et déséquilibre l’autre. Non seulement la maison est trouée vers l’extérieur mais elle comporte aussi des tas de trous intérieurs entre ces pièces à vivre, à ranger, à manger, à dormir, à se vider, à se nettoyer… des tas de trous nommés communément : porte, couloir, œil-de-bœuf, baie…

C’est une maison de famille trop petite pour accueillir tous ces habitants troués. Chacun avec ses besoins de complétude manœuvre et gesticule dans un espace un peu plus petit que celui de son corps.

L’œuvre d’art est une succession de « close up » d’une vie non achevée et incomplète. Dans L’œuvre d’art, l’ombre n’est pas une obscurité mais un mode de lecture de ce qui, dans une famille se fait en simultané. Ainsi le linge sèche pendant que le rôti cuit, pendant que la tante parle à son chien, pendant que papa touche la petite et que le plus grand prend son café…

L’œuvre d’art rejoint une question posée par un trader sur sa perte : Est ce que la perte doit être considérée comme une séparation ou comme une manipulation simple exercée sur un marché dupe et dopé avec pour objectif d’acquérir des valeurs futures et nouvelles ? Et donc inexistantes à présent.

Si c’est bien la deuxième proposition, alors la perte devient un état qui met l’humain sur le chemin de son devenir. Il nous faut alors brûler ce qui nous est acquis par défaut dans l’espoir un jour peut-être de trouver une valeur identitaire stable (par défaut déstabilisent).

Au contraire l’identité est fuyante et désobéissante ! Alors « Comment faire avec la loi du troupeau » dit le marché… ?

L’œuvre d’art rejoint une question soulevée par un banquier sur la propriété : Est ce que la propriété, c’est ce que j’ai déjà ou alors mon potentiel d’en trouver plus ?

S’il s’agit de la deuxième proposition, alors les valeurs les plus intéressantes de notre culture doivent être celles de la perte de valeurs non-recevables, celles des passoires trouées, de l’art incomplet, volontairement inachevé et fait par des êtres récidivistes acharnés… »

Haim ADRI

Avide de création, Haïm s’aventure depuis l’âge de 17 ans, dans toutes les formes artistiques qui croisent son chemin. Il n’a de cesse de multiplier sa signature sur des oeuvres allant du spectacle vivant aux arts visuels et créations sonores. Il a collaboré avec des artistes comme Ivan Fischer, Ariane Mnouchkine, Maguy Marin, Rachid Koraïchi, Elia Suleiman et bien d’autres merveilles de ce Monde.

Passionné par la rencontre, son expérience comme directeur d’acteur lui a donné la passion de guider l’autre au meilleur de lui même, il est pédagogue et inventif, sa devise : “Tout problème est une nouvelle stimulation”. 

Ardent fan de la diversité et des différences qui composent notre humanité, il a initié depuis 2002, plus de 40 oeuvres collectives ‘Les Nostras’ et 16 oeuvres personnelles alliant de façon singulière la danse, le théâtre, la réalisation de films dans un environnement visuel unique à chaque fois. Haim relèvera même le défi de la construction et de l’architecture en autodidacte! Son travail pédagogique est marqué par la volonté de faire s’épanouir les individus dans une composition collective rigoureuse et cohérente.